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Claire Gomez : au cœur de la coopération militaire entre la France et la Finlande

« Il suffit de regarder une carte pour y voir son destin. » Tel est le mantra de la lieutenant-colonel Claire Gomez, attachée de défense en Finlande. Dans un contexte sécuritaire et géopolitique incertain, elle travaille quotidiennement à renforcer la coopération militaire franco-finlandaise. 

Rencontre avec la lieutenant-colonel Claire Gomez, une femme passionnée, déterminée et profondément tournée vers l’humain. 


Propos recueillis par Camille Léveillé


© Ambassade de France en Finlande
© Ambassade de France en Finlande

Une carrière riche d’expériences


Avec un parcours axé sur les sciences sociales, la géopolitique mais aussi l’emploi des systèmes d’armes, la carrière militaire de la lieutenant-colonel Claire Gomez s’est rapidement orientée vers les relations internationales. « J’ai d’abord été officier de renseignement dans l’Armée de l’Air et de l’Espace. Après un passage en escadron de chasse, au Centre de planification et de conduite des opérations et au sein de l’Unité française de vérification, j'ai occupé plusieurs postes en tant qu’analyste. Ayant toujours souhaité servir en Ambassade, c’est tout naturellement que je me suis tournée vers le poste d’attaché de défense » souligne Claire Gomez. Un métier exigeant qui demande une grande disponibilité et ouverture d’esprit. « C’est tout ce que je souhaitais. Russophone depuis de nombreuses années, j’ai toujours été passionnée par cette région. » C’est en Géorgie, où elle est adjointe de défense, que Claire Gomez se familiarise avec le Caucase du Sud, une région complexe aux tensions latentes. Une immersion qui prendra une tournure encore plus marquante lors de son passage en Arménie. « Mon séjour en Arménie en tant que conseillère de l’Ambassadeur restera gravée dans ma mémoire. Fin 2020, nous sommes spectateurs de l’invasion de l’Arménie par l'Azerbaïdjan. Le sentiment d’impuissance et d'incompréhension des Arméniens face à une menace qu’ils n’ont pas anticipée a marqué un tournant. Aujourd’hui encore, cette expérience est ancrée en moi ». 


Finlande : un modèle de défense vertueux…


A l’été 2022, Claire Gomez pose ses valises à Helsinki où elle devient attachée de défense. Elle y découvre alors une culture et un état d’esprit bien différent de la mentalité française. « En Finlande, la défense est une affaire collective : ministères, organismes publics, entreprises et citoyens y jouent un rôle actif. Cette implication est concrète. La National Emergency Supply Agency, une agence privée, identifie les infrastructures critiques et s’assure de la disponibilité des stocks des produits les plus stratégiques » explique l’attachée de défense. Par ailleurs, la conscription est la règle pour tous les hommes de 18 à 30 ans et sur la base du volontariat pour les femmes. « Une fois leur service militaire réalisé, ils sont systématiquement admis dans la réserve, ce qui leur permet d’atteindre des chiffres impressionnants. 280 000 soldats finlandais sont prêts à défendre le pays à tout moment. En cas de mobilisation générale, ce chiffre grimpe à 900 000 combattants ». Pour les Finlandais, c’est une véritable mentalité qui leur est inculquée depuis leur enfance. Il s’agit du “Sisu”, un terme intraduisible en français qui pourrait signifier résistance, force de caractère, détermination. « Certains voient dans le Sisu la clé de la résilience nationale. Si l’idée mérite d’être nuancée, elle illustre bien l’état d’esprit finlandais en matière de défense. 78% des Finlandais se disent prêts à prendre les armes, même si l'issue du combat est incertaine » souligne Claire Gomez et d’ajouter : « La France gagnerait à adopter une approche similaire, en renforçant la coopération entre ministères, acteurs publics, privés et citoyens. La sensibilisation de notre population à la sécurité et la défense de notre pays est le deuxième gros chantier pour lequel l’expérience finlandaise peut nous être utile. Expliquer à la population pourquoi nous devons nous préparer à nous défendre et à nous protéger. Ensuite, libre à chacun de s’engager dans la réserve en fonction de ses compétences ». 


…malgré un environnement stratégique dangereux 


« Aujourd'hui, le principal risque dans la région serait la collision entre deux navires, notamment entre un des ferry qui assurent plusieurs fois par jour la liaison entre Tallinn et Helsinki, du sud vers le nord, avec un des navires de la flotte fantôme russe qui y va plutôt de l'est vers l'ouest » détaille Claire Gomez. Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’environnement stratégique finlandais a considérablement évolué. « Ces enjeux de défense dans la région Baltique sont importants du fait de l'enclavement de Saint-Pétersbourg et de celui de Kaliningrad. Ce sont deux zones stratégiques pour Moscou » précise-t-elle. Plus de 90 % des flux d’import-export pour la Finlande passent d’ailleurs par la mer Baltique, d’où l’importance de constituer des stocks et de se préparer à toute éventualité. Deuxième zone d’importance majeure à surveiller : l’Arctique. « 1/3 du territoire finlandais s’inscrit dans cette zone, au nord du cercle polaire. Une région potentiellement crisogène du fait de la proximité des bases navales russes et de la presqu'île de Kola. » rappelle la lieutenant-colonel.


L’entrée dans l’OTAN : un game changer 


« En entrant dans l’OTAN , la Finlande a complètement changé de paradigme. Avant, le pays affirmait sa neutralité. Ce basculement est récent. Du jour au lendemain, ils n’étaient plus seuls pour assurer leur défense, avec comme contrepartie de devoir participer à celle des autres. Il a fallu apprendre à connaître les Alliés. Renforcer les liens entre partenaires passe d’abord par une meilleure compréhension mutuelle, y compris dans la sphère informationnelle. » analyse Claire Gomez et de poursuivre : « Nous avons tout intérêt à mieux connaître la Finlande et son système pour pouvoir agir ensemble le jour où nous en aurons besoin. Si l’entrée dans l’OTAN n’a pas poussé le pays à modifier son système de sécurité, ce nouveau paradigme a des implications. Une modernisation de leur armée pour notamment assurer une meilleure interopérabilité avec celles des autres est à prévoir ». 


Cap sur une coopération renforcée 


« La coopération militaire entre la France et la Finlande est à l’image de la Finlande : pragmatique. Les actions doivent être utiles, efficaces et progressives. Aujourd’hui, la relation bilatérale entre nos deux pays se concrétise à tous les niveaux : stratégique, avec des rencontres récurrentes de nos autorités mais aussi structurel, entre chaque armée, et opérationnel au travers d’exercices, entraînements et stages conjoints. Par ailleurs, depuis 2017, la Finlande participe activement aux opérations de la FINUL, avec 200 soldats engagés aux côtés des forces françaises au Liban » évoque Claire Gomez. Une coopération bien développée qui a vocation à se renforcer : « Le modèle même de défense finlandais intéresse beaucoup nos autorités. Nous développons des coopérations dans les domaines terrestre, maritime et aérien, dans le domaine cyber, de la guerre des mines, le spatial et dans d’autres encore. Selon les opportunités, nous renforçons cette coopération grâce à des actions qui ont de réelles implications au niveau multilatéral ». Face à l’évolution du contexte géopolitique, la question de l’approche capacitaire finlandaise est également au cœur des enjeux. Même si la Finlande a une base industrielle de défense bien implantée, pour des raisons historiques de neutralité, les équipements majeurs - à l’exception des corvettes - sont acquis à l’étranger. « Leur BITD répond à la majorité de leurs besoins. Ceci étant dit, la BITD française peut également apporter beaucoup à la Finlande, que ce soit dans la surveillance aérienne, la défense anti-missile ou encore la lutte anti-drone. Mais, je pense qu’il faut plutôt envisager des coopérations entre les entreprises plutôt que des ventes sèches. L’objectif est clair : encourager les entreprises françaises et finlandaises à développer des projets communs » partage la lieutenant-colonel Gomez.


Entre pragmatisme, rigueur et anticipation, Claire Gomez œuvre quotidiennement au rapprochement stratégique entre Paris et Helsinki, convaincue que la préparation et la coopération seront les meilleures réponses aux incertitudes de notre époque. D'autant, qu'« avec de l'ambition, rien n'est insurmontable » conclut-elle. 



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