La Colombie sur tous les fronts
- camilleleveille8
- il y a 2 jours
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Taux d’homicide parmi les plus élevés d’Amérique latine, narcotrafic, désinformation, cybermenaces, catastrophes naturelles… En Colombie, les défis sécuritaires s’accumulent. Pour faire face, les forces armées montent en puissance. Elles modernisent des équipements, luttent contre la désinformation, développent des capacités de cyberdéfense et coopèrent de plus en plus avec leurs partenaires stratégiques. Plongée au cœur des défis, des menaces mais aussi des innovations technologiques et des coopérations à l'œuvre pour préserver la sécurité nationale.
Rencontre avec l’Amiral Francisco Hernando Cubides Granados, Commandant Général des Forces militaires de Colombie.

Menaces, défis et montée en puissance des forces armée
4e pays d’Amérique latine avec le plus haut taux d’homicide par habitant derrière Haïti, l’Equateur et le Venezuela, la Colombie fait face à d’importants défis en matière de sécurité et de défense. Parmi eux : trafic de drogue, groupes armés organisés ou encore criminalité transnationale et cybermenaces. L’Amazonie s’impose comme une zone névralgique, au cœur des enjeux sécuritaires. « La sécurité en Amazonie est un défi stratégique en raison de son immensité, de son accès difficile et de la présence de corridors utilisés pour le trafic de drogue, l'exploitation minière illégale et d'autres crimes transnationaux. Pour contrer ces menaces, les forces militaires ont déployé le groupe aérien de l'Amazonie, la force navale de l'Amazonie et des unités terrestres à des points clés. Ces unités cherchent non seulement à garantir le contrôle du territoire, mais aussi à protéger l'environnement et les communautés indigènes qui ont été affectées par les acteurs illégaux. Malgré ces efforts, il reste des défis à relever, comme la nécessité de disposer de plus de technologies de surveillance, de meilleurs systèmes de communication et de renseignements plus solides. La coopération internationale avec les pays voisins a joué un rôle clé dans la surveillance conjointe des frontières et la lutte contre la criminalité transnationale, mais il est nécessaire de renforcer la présence de l'État avec des infrastructures et des capacités qui permettent une réponse plus efficace dans cette zone stratégique » souligne l’Amiral Francisco Hernando Cubides Granados, Commandant Général des Forces militaires de Colombie. La désinformation représente un autre risque majeur auquel les forces armées doivent répondre. « Les forces armées colombiennes ont renforcé leurs capacités à faire face aux campagnes de désinformation et de manipulation, conscientes de l'impact qu'elles peuvent avoir sur la stabilité nationale et la perception de la sécurité. Des stratégies de communication institutionnelle plus opportunes ont été mises en œuvre pour renforcer la confiance du public en lui fournissant des informations véridiques. La coopération interinstitutionnelle et le travail avec les organisations internationales ont permis d'améliorer les capacités et d'identifier rapidement les menaces numériques. Toutefois, la lutte contre la désinformation reste un défi dynamique qui nécessite une mise à jour constante des outils technologiques, une plus grande coordination avec le secteur privé et la formation de personnel spécialisé dans la gestion des crises de l'information dans l'environnement numérique » affirme l’Amiral colombien. Concernant les menaces numériques, la Colombie a créé le « Commandement interarmées du cyberespace, qui dirige les stratégies de protection du cyberespace et de sécurité numérique. Toutefois, il reste des défis à relever en termes de consolidation des capacités, d'investissement dans les technologies de pointe et d'élaboration d'un cadre doctrinal solide pour permettre une réponse efficace aux cyberincidents de grande ampleur. Bien que certaines initiatives aient été mises en œuvre pour renforcer la résilience numérique, la sophistication croissante des cybermenaces et la nécessité d'une plus grande coordination entre les agences restent des défis prioritaires. La consolidation d'une stratégie globale de cyberdéfense sera essentielle pour garantir la souveraineté numérique et la sécurité nationale dans un environnement de plus en plus interconnecté » poursuit l’Amiral Francisco Hernando Cubides Granados.
Pour faire face à ces différentes menaces, la modernisation des équipements militaires est essentielle. « Dans le cadre du système intégré de défense nationale (SIDEN), l'acquisition de nouvelles capacités, d'équipements de surveillance et de technologies de pointe a été planifiée pour améliorer les capacités opérationnelles de l'armée nationale, de la marine colombienne et de la force aérospatiale colombienne. Le budget est soumis aux décisions du gouvernement et aux disponibilités budgétaires, la priorité étant donnée à l'efficacité et à l'optimisation des ressources afin de maximiser l'impact sur la sécurité et la défense » note-t-il. Avec près de 4 % du PIB consacré à la défense, la Colombie affiche les dépenses militaires rapportées au PIB les plus élevées d’Amérique du Sud.
L’intelligence artificielle : un game changer pour les forces ?
« L'intégration de l'intelligence artificielle dans la sécurité et la défense représente un défi stratégique qui nécessite une capacité d'adaptation et de contrôle afin de maximiser ses avantages sans compromettre la sécurité opérationnelle. Si sa capacité à traiter de grands volumes de données et à améliorer la prise de décision est indéniable, sa mise en œuvre se heurte à des défis importants, tels que la vulnérabilité aux cyberattaques, la fiabilité des algorithmes et la dépendance technologique » soutient Francisco Hernando Cubides Granados et d’ajouter : « Elle soulève également des dilemmes éthiques et juridiques quant à l'utilisation de systèmes autonomes sur le champ de bataille. En outre, la nécessité d'une surveillance humaine efficace et d'une réglementation claire est cruciale pour éviter les risques liés aux décisions prises par l'IA sans une interprétation adéquate du contexte. L'intégration réussie de cette technologie dépendra de l'investissement dans la formation, de la coopération inter-agences et de la mise à jour constante des protocoles de sécurité afin d'exploiter son potentiel sans négliger les risques inhérents à son évolution accélérée ».
Coopérer : une évidence
Que ce soit dans la lutte contre le terrorisme, la sécurité maritime, la formation militaire, le renseignement ou la modernisation des capacités des formes armées, la Colombie coopère avec de nombreux partenaires. « Il existe une coopération spéciale avec des pays et des organisations internationales dans la lutte contre les crimes transnationaux tels que le trafic de drogue et d'autres crimes connexes présents dans le domaine maritime et terrestre, comme le trafic d'armes, le trafic de migrants, la contrebande, le blanchiment d'argent, la pêche et l'exploitation minière illégale dans le cadre de l'opération Orion menée par la marine colombienne. La Colombie accorde une grande importance à ses relations stratégiques avec les alliés internationaux qui contribuent au renforcement de sa sécurité et de ses capacités de défense. À cet égard, la France s'est imposée comme un partenaire clé, avec lequel il existe des liens historiques et une vision commune de l'importance de la stabilité régionale et de la lutte contre les menaces globales. La coopération en matière d'éducation militaire, de cybersécurité, de renseignement et d'opérations spéciales représente une opportunité d'échanger des connaissances et de mettre en œuvre les meilleures pratiques pour relever plus efficacement les défis émergents. D'importantes opérations maritimes sont menées avec la marine française dans la zone des Caraïbes pour lutter contre le trafic de drogue » partage l’Amiral colombien. Depuis 2017, la Colombie est un partenaire intégral de l'OTAN. Un statut qui lui permet une coopération accrue avec l’Alliance. « La coopération avec l'OTAN se concentre sur l'interopérabilité, la lutte contre les menaces transnationales et la cybersécurité. Pour 2025-2026, des initiatives sont prévues en matière de sécurité, de modernisation et de lutte contre le terrorisme et la corruption » poursuit-il.
Lutte contre le changement climatique et sécurité civile : une priorité affichée
Feux de forêts, inondations, éboulement, coulée de boue, la seule année 2024 a été le théâtre de catastrophes naturelles d'ampleur en Colombie. « La présidence de la République a proposé des stratégies visant à intégrer le développement de projets destinés à atténuer les effets du changement climatique dans notre pays. Ainsi, les forces armées colombiennes, en accord avec les objectifs stratégiques du gouvernement national, jouent un rôle important et de premier plan, reconnaissant l'impact énorme que le changement climatique génère dans le domaine de la sécurité nationale. C'est pourquoi chacune de ses institutions promeut des campagnes, adopte des stratégies, incorpore des technologies qui apportent un soutien à la réponse et enfin, par le biais de la coordination interinstitutionnelle, répond aux différentes menaces et urgences qui découlent des catastrophes naturelles » rappelle l’Amiral Francisco Hernando Cubides Granados. Dans la gestion des crises, les forces armées ont un rôle fondamental à jouer. « Elles se mobilisent rapidement en cas de catastrophes naturelles, fournissent un soutien logistique, une assistance médicale et la reconstruction d'infrastructures pour aider la population civile dans les moments critiques. Nous nous engageons à protéger les civils et les communautés les plus vulnérables. C'est pourquoi nous mettons à disposition chacune des capacités différentielles des forces. Un exemple clair est celui de l'Armée nationale, à travers des unités telles que la Brigade du génie de prévention et d'intervention en cas de catastrophe et ses deux Bataillons du génie de prévention et d'intervention en cas de catastrophe, qui disposent d'un personnel formé, préparé et compétent, ainsi que de différents types d'outils, d'équipements et d'accessoires qui permettent à ces sauveteurs de déployer toutes leurs capacités sur l'ensemble du territoire national, en réalisant des opérations d'assistance humanitaire, de gestion des crises générées par les catastrophes naturelles et des opérations de recherche et de sauvetage des victimes de ce type de phénomènes naturels. Ces unités agissent rapidement et peuvent être mobilisées par voie aérienne, terrestre, fluviale et/ou maritime avec tout leur équipement » conclut le Commandant Général des Forces militaires de Colombie.