Le cyberespace ne fait pas exception. Comme les autres milieux, il connaît une transformation des modes d’affrontement, des formes de revendications, de mobilisations politiques et sociales et des modalités de compétition économique. La recrudescence des tensions sur la scène internationale favorise le rapprochement de groupes aux motivations et modes opératoires longtemps distincts, brouillant encore davantage les frontières entre hacktivisme et cyberespionnage. Dans le même temps, le développement de nouvelles capacités de guerre cognitive se développent et font entrer la guerre de l’information dans une nouvelle ère. Face à ces nouvelles menaces qui remettent en cause les paradigmes actuels, les États se mobilisent pour renforcer leurs capacités à agir collectivement.

Une guerre de l'information 3.0
En 2016, des diplomates, militaires et agents de renseignement américains basés à Cuba se plaignent de troubles auditifs, visuels, d’étourdissements, de vertiges, nausées, etc. Des symptômes désormais connus comme le « syndrome de la Havane », attribués à une exposition répétée aux ondes électromagnétiques et sans doute un des premiers cas médiatisés de « guerre cognitive ». Objectif : modifier les aptitudes du cerveau pour altérer le comportement, l’esprit et la façon ou la capacité de penser, et in fine infléchir la prise de décision. « C’est une guerre de l’information 3.0 » analyse le colonel Olivier Pinard Legry, conseiller militaire au cabinet du ministre des Armées, et d’expliquer : « Après l’affrontement des discours idéologiques au début du 20e siècle, on a ensuite cherché à maîtriser les vecteurs de ces messages (systèmes d’information, réseaux sociaux…). Celui qui maîtrisait le vecteur avait l’ascendant. Aujourd’hui on bascule dans un autre modèle où le lieu de l’affrontement est le récepteur de ces messages, c’est-à-dire le cerveau ». Cette approche qui bénéficie nettement du progrès technologique et des innovations numériques repose sur la convergence entre « les systèmes techniques d’information et de communication (TIC) dont l’essor leur a permis d’envahir la vie de chacun (dimension informationnelle) ; le développement des technologies bio-centrées (NBIC) et plus spécifiquement les techniques électromagnétiques invasives utilisées à distance (dimension physique) et une nouvelle vague de l’IA notamment dans sa forme générative (croisement des dimensions physique et informationnelle) ».¹ Avec des conséquences « allant de l’altération mnémonique ou des saturations attentionnelles jusqu’à l’induction de déficits neurobiologiques ».²