Les fraudes à l’ère du numérique et de l’intelligence artificielle
- camilleleveille8
- 11 nov.
- 4 min de lecture
À l’heure où le numérique et l’intelligence artificielle bouleversent nos vies, les fraudes en ligne gagnent en sophistication.
Deepfakes, faux conseillers, arnaques sentimentales ou financières : les escrocs exploitent les technologies les plus récentes pour tromper particuliers et entreprises.
Face à ce fléau mondialisé, la riposte s’organise entre régulation, innovation et coopération.
Une bataille à haut risque, où l’intelligence artificielle peut devenir à la fois l’arme du crime… et celle de la défense.

Des formes de fraudes variées
À l’ère du numérique, les cyberfraudes¹ constituent une menace croissante pour les particuliers, les entreprises et les institutions. Les cyberfraudes correspondent à l’ensemble des actes frauduleux réalisés via des outils informatiques ou internet dans le but d’escroquer, de voler ou de manipuler des données sensibles. Ces fraudes par le biais du recours au numérique sont de plus en plus démultipliées voire industrialisées. Elles peuvent viser aussi bien les individus que les organisations et recouvrent une grande variété de techniques et d’objectifs.
Les cyberfraudes évoluent sans cesse, utilisant la technologie pour contourner les protections traditionnelles. Ainsi selon les derniers chiffres publiés par l’observatoire de la sécurité des moyens de paiement² (OSMP), le montant de la fraude par manipulation (fraude sur les paiements par carte avec authentification forte et virements frauduleux opérés depuis la banque en ligne) a légèrement reculé au 1er semestre 2024 (-2 % en montant par rapport au premier semestre 2023, soit 179 millions d’euros). L’Alliance Mondiale anti-escroquerie estime que les consommateurs perdent près de 1000 milliards d’euros par an à cause des fraudes, un montant en constante augmentation. « Ces chiffres sont impressionnants, mais pas surprenants », a déclaré Tom Peacock, Directeur Mondial de l’Intelligence en matière de fraude chez BioCatch et d’ajouter : « Les responsables des équipes antifraude et anti-blanchiment des plus grandes banques du monde luttent chaque jour contre ce raz-de-marée d’escroqueries, tandis que le grand public a sans doute lui aussi remarqué la multiplication des messages, e-mails, appels et publications frauduleux. »³ La vigilance reste donc essentielle face aux escroqueries par de faux conseillers ou sites financiers et aux nouvelles menaces liées à l’Intelligence artificielle générative. En 2024, une multinationale britannique spécialisée dans la conception et l'ingénierie, à l'origine de bâtiments mondialement connus tels que l'Opéra de Sydney, a confirmé avoir été victime d'une escroquerie de type « deepfake » qui a conduit l'un de ses employés de Hong Kong à verser 25 millions de dollars à des fraudeurs.⁴ Par ailleurs, 85 % des Français redoutent un piratage de leurs données bancaires et 81 % les arnaques en ligne ou sur les réseaux sociaux. L’intelligence artificielle suscite également des perceptions contrastées avec 85 % de particuliers estimant qu’elle pourrait favoriser des escroqueries plus sophistiquées, mais 62 % pensent aussi qu’elle peut contribuer à renforcer les outils de détection et de protection.
Réagir et invoquer le droit
Les fraudes numériques prennent ainsi des formes variées comme l'hameçonnage, le vol de données, les faux ordres de virement, les escroqueries sentimentales ou financières. Ce qui les caractérisent, c’est leur capacité à se dissimuler derrière des interfaces familières et à frapper à distance, souvent en toute discrétion. Face à ces menaces, le droit pénal s’est progressivement adapté pour mieux les réprimer. Des textes spécifiques ciblant les cyberfraudes ont émergé, et des dispositifs ont été mis en place.
Les juridictions ont de plus en plus de procédures à traiter et développent une jurisprudence solide sur le sujet, comme en matière de fraude au paiement en ligne où il s’agit de savoir qui prend la responsabilité entre la banque et la victime, mais les défis demeurent très importants. La diversité des scénarios de fraude et les modes opératoires des cybercriminels doivent être analysés ainsi que l’impact des technologies émergentes telles que l’intelligence artificielle. Il est important de dresser un panorama des fraudes numériques, des formes les plus connues aux plus subtiles. Il est aussi essentiel d’explorer les moyens techniques employés par les fraudeurs, ainsi que leurs profils et leurs motivations. Cette délinquance nécessite des réponses opérationnelles et juridiques comme par exemple les moyens de signalements par le biais de plateformes dédiées comme par exemple Pharos⁵ ou Thésée. De plus, le dépôt de plainte peut désormais se faire en ligne ce qui facilite les démarches des victimes de ces fraudes numériques. La plateforme Cybermalveillance.gouv.fr⁶ donne aussi de nombreux conseils afin d’orienter les victimes et il existe des guides officiels pour lutter contre cette délinquance.⁷
Le rôle essentiel des entreprises
Pour faire face à l’explosion de la fraude, Mastercard a récemment lancé une nouvelle solution de renseignement sur les menaces appliquée aux paiements à grande échelle. Baptisée Mastercard Threat Intelligence, elle détecte les signaux faibles de fraude avant la transaction. En reliant ses données de réseau international à celles provenant de la veille cyber, Mastercard souhaite anticiper les activités frauduleuses avant qu'elles ne se transforment en pertes monétaires. « Alors que les cyberattaques se multiplient, il ne suffit plus de réagir — il faut anticiper », abonde Barbara Sessa, directrice générale de Mastercard France.⁸ L’outil permet aux équipes de cybersécurité et de lutte contre la fraude de travailler de concert, pour empêcher la fraude avant qu’elle ne se produise. Concrètement, la plateforme intègre plusieurs briques : détection des tests de cartes et refus proactif des transactions suspectes, surveillance du “skimming” numérique, renseignements ciblés sur les menaces visant les commerçants et l’écosystème des paiements mais aussi génération de rapports hebdomadaires sur les vulnérabilités émergentes et les tendances de la fraude. Et les résultats sont au rendez-vous. Dans les six derniers mois, près de 9 500 sites e-commerce compromis ont été identifiés et 120 millions de dollars de fraude potentielle ont pu être évités. « La transmission de renseignements sur les menaces à des équipes et des secteurs disparates de manière significative et utile va aider les équipes chargées de la fraude et de la cybersécurité à identifier plus facilement les tendances, leur permettant ainsi de passer d'une réponse réactive à une atténuation proactive. » résume Tracy Goldberg, directrice de la cybersécurité chez Javelin Strategy & Research.⁹
Découvrir le livre "Cyberarnaques : Comprendre, anticiper, se défendre" de Myriam Quéméner et Amélie Kocke : https://www.bisey.fr/livre/9782275162737-cyberarnaques-comprendre-anticiper-se-defendre-myriam-quemener-amelie-kocke/
¹M.Quéméner et A.Köcke, Cyberarnaques, Comprendre , anticiper , se défendre, Lextenso, octobre 2025.
⁸Communiqué de presse Mastercard “Mastercard lance la toute première solution de renseignement sur les menaces pour lutter contre la fraude aux paiements à grande échelle” - 28/10/25
⁹Ibid



