Florence Guillaume : servir, protéger, agir au cœur de la Gendarmerie du Grand Est
- camilleleveille8
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Entre criminalité et menaces cyber, la région Grand Est concentre les défis contemporains de la sécurité intérieure. À sa tête, la Générale Florence Guillaume coordonne l’action de plus de 20 000 gendarmes opérationnels et réservistes engagés au service du territoire et de ses habitants.
Rencontre avec une femme rigoureuse, profondément humaine. Le sens du devoir chevillé au corps, elle incarne une Gendarmerie à la fois moderne, proche du terrain et résolument tournée vers les citoyens.

Un parcours riche
C’est en 1994 que Florence Guillaume pousse les portes de l’École spéciale militaire de Saint-Cyr. Très tôt, elle choisit de servir en gendarmerie. « J’ai choisi la Gendarmerie par conviction, par volonté de lutter au quotidien contre l’insécurité et de protéger la population », confie-t-elle. Un engagement clair, guidé par le sens du devoir et la proximité avec le terrain. Depuis plus de trente ans, elle sillonne les routes de France au gré de ses affectations, alternant entre commandement opérationnel et responsabilités en administration centrale. Du commandement d’une compagnie à la tête d’un groupement départemental, puis d’une région, chaque étape a renforcé son expérience et sa vision du service. Elle a également occupé des postes transverses à la direction générale de la gendarmerie, notamment dans la communication. Parmi ses souvenirs marquants, elle évoque une première affaire d’homicide, celle d’un enfant retrouvé après de longues recherches. « C’est un moment très fort. On ne peut pas ne pas s’en souvenir. Il y a cette intuition immédiate que quelque chose ne va pas, et puis cette nécessité de tenir dans la durée : l’opérationnel, le judiciaire, mais aussi l’humain. Il faut à la fois conduire l’enquête et accompagner la famille. » se souvient la commandante de la région Grand Est.
Un quotidien aux mille visages
Aujourd’hui, à la tête de la région de Gendarmerie du Grand Est et de la gendarmerie pour la zone de défense et de sécurité, Florence Guillaume dirige plus de 20 000 personnels, gendarmes d’active et réservistes confondus. « Je pilote l’ensemble des unités départementales de la région et mobiles de la zone de défense et de sécurité qui comprend aussi la région Bourgogne-Franche-Comté, c’est-à-dire que j’assure l’encadrement de niveau régional et la coordination zonale de leurs actions. » Commandement, opérationnel, soutien et représentation institutionnelle, les fonctions sont multiples. « Au-delà du commandement, évidemment, il y a une partie opérationnelle “chaude” : celle de la gestion d’événements, de crises, de grandes opérations et une partie “froide”, d’analyse et de préparation. » Lorsqu’un événement d’envergure survient, la région devient centre de décision et d’appui pour les départements concernés. Les moyens régionaux ou zonaux sont alors alloués pour renforcer les unités locales : « Nous intervenons parfois en renfort, chacun agit à son niveau, mais dès qu’un événement dépasse le cadre local, nous déployons les moyens nécessaires. » Cette logique de subsidiarité et de solidarité interne constitue l’un des piliers du fonctionnement de la Gendarmerie nationale. Florence Guillaume doit aussi veiller à la qualité de vie de ses personnels. « L’attention portée aux gendarmes est essentielle. Cela passe par la gestion des ressources humaines, le suivi disciplinaire, mais aussi le soutien social et psychologique. » explique-t-elle. Enfin, son rôle intègre une forte dimension institutionnelle : relations avec les préfectures, les forces armées, les collectivités territoriales et les acteurs économiques. « La Gendarmerie, c’est aussi une force de défense. Nous devons réfléchir à la manière dont nous nous inscrivons dans une logique de sécurité mais aussi de défense du territoire, en articulation avec le préfet de zone et les armées. »
Une région singulière
« C’est une région carrefour. Avec 750 kilomètres de frontières et quatre pays limitrophes, elle se trouve au cœur des grands flux européens. » rappelle Florence Guillaume. Une position stratégique qui en fait une zone d’intense circulation – humaine, économique et criminelle. « On est à la croisée de deux grands axes : le nord-sud, sur la route des stupéfiants, et l’est-ouest, où l’on retrouve davantage les atteintes aux biens, les cambriolages sériels. » Les équipes doivent donc sans cesse adapter leurs actions. Récemment, une opération d’ampleur a visé un groupe criminel s’attaquant aux GPS agricoles : « Ce sont des faits qui paraissent anodins, mais ils déstabilisent une filière économique. Et on s’aperçoit que les équipes opèrent sur plusieurs régions, parfois jusqu’en Occitanie. » Le renseignement criminel et le contrôle des flux constituent donc deux priorités : « Il faut être capable de rapprocher les faits, de comprendre les modes opératoires, de relier l’analyse du renseignement et la cartographie criminelle. » Et, comme dans toutes les régions de France, la menace cyber est prise largement en compte. « Le cyber est évidemment un enjeu majeur. Une entreprise attaquée par ransomware peut se retrouver paralysée. Il faut accompagner les collectivités et les acteurs économiques à développer une culture de la sécurité. Le réflexe de sécurité doit devenir une habitude. Après une alerte, tout le monde est vigilant, mais au bout de quelques semaines, les mauvaises pratiques reviennent. Pour être résilient, la
vigilance doit être durable. »
Égalité des chances dans la Gendarmerie
Florence Guillaume accorde une attention particulière à la question de l’égalité des chances, qu’elle considère comme l’une des forces de l’institution. « La Gendarmerie permet à chacun d’évoluer selon ses compétences et son engagement. » Des dispositifs de mobilité et de passerelles internes offrent à tout personnel motivé la possibilité de progresser, qu’il soit engagé sous contrat, sous-officier ou officier. « C’est une égalité réelle, pas de façade : chacun peut construire une carrière pleine et entière. » Mais, l’égalité des chances suppose aussi un accompagnement attentif : « Il faut parfois aller chercher ceux qui doutent. Certains ont de grandes compétences mais n’osent pas se projeter. C’est aussi le rôle des ressources humaines de tendre la main. » Une ambition qui a été formalisée dès le début des années 2010 avec un plan d’action sur l’égalité et la diversité. La féminisation de l’institution en est l’un des résultats les plus visibles. « Quand je suis entrée en Gendarmerie, j’étais la douzième femme officier. Aujourd’hui, le tableau a complètement changé. » explique Florence Guillaume. L’ouverture du concours universitaire en 2002 a marqué un tournant, permettant une intégration plus large et plus rapide des femmes dans les postes de responsabilité. La féminisation de la gendarmerie mobile, amorcée en 2015, a également été pensée dans la durée : « L’idée n’était pas d’avoir quelques exceptions isolées mais de créer des conditions favorables à une intégration durable. » Au-delà de la question du genre, l’institution s’est aussi structurée autour d’un réseau national de référents égalité et lutte contre les discriminations. Environ 700 personnes ont été formées, dont une centaine dans la zone Est. « Ces référents sont là pour écouter, conseiller, orienter. Parfois, il s’agit d’une discrimination avérée, parfois d’un ressenti qu’une médiation peut apaiser. » souligne Florence Guillaume et d’ajouter : « Les gendarmes, par leur contact avec la société, sont sensibilisés à ces questions. Mais il faut aussi être attentif à ce qui se passe en interne. » L’idée est évidemment d’évoluer avec la société : « Certaines phrases trop longtemps perçues comme anodines ne doivent plus se dire, tout simplement parce qu’elles font souffrir. Et c’est une bonne chose. »



