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Marie-Doha Besancenot : la diplomatie à l’heure de la guerre informationnelle

De l’enseignement à la diplomatie, du service public français à l’OTAN, le parcours de Marie-Doha Besancenot suit un fil rouge : mettre la communication au service d’objectifs stratégiques. Aujourd’hui engagée au cœur de la guerre informationnelle, elle défend une vision de la diplomatie d’influence, où la communication stratégique est un outil de la puissance.


Par Diane Cassain

© NATO
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Service public, secteur privé, OTAN


Marie-Doha Besancenot commence sa carrière dans l’enseignement. « J’ai beaucoup appris : le dialogue, la transmission. Être face à 50 élèves, cela forge des capacités de gestion du groupe, se positionner, être à l’écoute. Cela m’a formée à devenir une bonne manager. » S'ensuivent des postes de plume à Matignon et dans la culture en ambassade. Différentes expériences avec un point commun : la communication. Puis Marie-Doha Besancenot part dans le privé. « J’y ai appris des compétences qui me manquaient ; le management, la redevabilité, des méthodes de travail différentes ». Ensuite sa vie professionnelle va prendre un tournant majeur. Marie-Doha qui avait toujours été intéressée par les sujets de sécurité et de défense passe un an à l’École de Guerre en tant que civile. « À la fin de l’année, j’ai eu la conviction que je voulais travailler aux côtés des armées. Mais je me suis également rendu compte que, sans changer fondamentalement de métier, mes compétences en communication pouvaient trouver toute leur utilité dans le domaine de la défense. C’est ce qui m’a conduite à rejoindre l’OTAN, en tant que directrice de la communication. Un poste d’Adjointe au Secrétaire Général en charge de la diplomatie publique, garant de la cohérence et de la portée des messages de l’Alliance dans l’ensemble des pays membres  ». Convaincue de sa mission, Marie-Doha a particulièrement apprécié l’ADN politico-militaire de l’Alliance. « Une complémentarité très aboutie dans cette structure qu’est l’OTAN, très convaincante dans la période actuelle où la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine se joue aussi massivement dans le champ informationnel. » De l’enseignement à la diplomatie, du service public français à l’OTAN, le parcours de Marie-Doha Besancenot suit un fil rouge : mettre la communication au service d’objectifs stratégiques. Aujourd’hui engagée au cœur de la guerre informationnelle, elle défend une vision de la diplomatie d’influence, où la communication stratégique est un outil de la puissance. L’OTAN permet aussi de partager des modèles alliés intéressants en matière de résilience sociétale ou de « défense totale » : « Les modèles scandinaves sont inspirants, avec l’agence de défense psychologique en Suède, ou l’agence KAVI en Finlande dédiée à l’éducation aux media dès l’enfance qui permet de développer la vigilance face aux tentatives de manipulation émotionnelle ».


Le coeur de la diplomatie publique


« J’ai vraiment compris ce qu’était la diplomatie publique en arrivant à l’OTAN. Derrière le terme, il y a un travail d’analyse fine du champ informationnel : comprendre les attaques, les narratifs, leurs cibles. À partir de ces données, proposer des postures, des messages, des stratégies de communication visant à renforcer la crédibilité et la dissuasion de l’Alliance. » explique Marie-Doha Besancenot. « Aujourd’hui, nous avons des adversaires qui investissent massivement dans des récits géopolitiques à leur avantage. Pour notre diplomatie, cela signifie que nous devons investir dans des outils pour naviguer bien éclairés dans le champ informationnel, et définir des pratiques qui viennent soutenir les manœuvres diplomatiques classiques » ajoute-t-elle. Composer avec un monde en mouvement, où les Alliés d’aujourd’hui peuvent devenir les concurrents de demain : tel est le quotidien de Marie-Doha Besancenot, fait d’adaptation constante. « Certains acteurs s’emploient à affaiblir nos efforts diplomatiques, par des campagnes directes ou indirectes qui visent toutes à décrédibiliser nos efforts, défigurer nos intentions, ou mettre en doute l’efficacité de nos démarches. Ce fut le cas lors de la reconnaissance de la France de l'État de Palestine. Protéger nos manœuvres diplomatiques est devenu une exigence permanente ». De fait, les opinions publiques sont de plus en plus embarquées dans ces campagnes informationnelles. « Depuis 10 ans, les opinions publiques ont pris une place centrale dans la gestion des conflits ; ils constituent un champ de bataille en soi. Le défi pour les communicants institutionnels est d’échapper à la communication de crise permanente en préservant un espace pour nos propres récits. Réagir aux propos des adversaires ne permet pas de construire des récits au long court. L’enjeu de temps court, c’est d’incarner une posture : répondre, ne pas laisser passer certaines choses, montrer que l’on riposte. Parallèlement, nous devons préserver un espace pour expliquer ce que nous faisons, défendre qui nous sommes, nos principes, nos objectifs. Renoncer à cela, c’est donner raison aux adversaires qui cherchent à nous déstabiliser ».


Redresser les perceptions


Aujourd’hui pour Marie-Doha Besancenot les priorités sont claires : structurer la riposte et l’ensemble des réponses diplomatiques aux attaques informationnelles en mobilisant une force de frappe impressionnante : le réseau diplomatique, 3e au monde. « En France, nous avons eu longtemps tendance à considérer que la qualité de nos idées suffirait à les faire entendre. Cela est d’autant moins vrai dans un monde où la circulation de l’information est paramétrée par des algorithmes capables d’invisibiliser ou de faire exploser un propos. En complément, nous avons entamé un travail sur les récits pour toucher nos publics » explique-t-elle. « Nous sommes engagés dans une bataille des perceptions. Pour la gagner à travers le monde, nous activons notre réseau diplomatique , le mieux à même de redresser l’image de la France au plus près de nos partenaires, en s’appuyant sur leur compréhension fine des contextes locaux. Et nous les outillons progressivement pour affiner leur lecture en temps réel des opérations qui se jouent dans le champ informationnel, pour qu’ils puissent élaborer les stratégies locales les plus pertinentes. » Marie-Doha plaide pour la poursuite d’une diplomatie d’influence intégrée. « Nous avons clairement conscience du fait qu’il faut investir le champ des perceptions, et le Ministre en a fait une priorité explicite, qui se traduit dans une stratégie d’activation coordonnée de nos nombreux leviers. » Dans un environnement où l’information est devenue un champ de confrontation, la diplomatie d’influence s’affirme comme un pilier essentiel de la souveraineté française.

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