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Pérou : en première ligne face au narcotrafic

Au cœur de la lutte antidrogue en Amérique du Sud, le Pérou est confronté à des organisations criminelles de plus en plus agiles, connectées et transnationales. Entre coopération militaire dans les zones sensibles, lutte contre le blanchiment d’argent, traçage de cryptomonnaies et infiltration du dark web, la Police nationale péruvienne adapte ses moyens pour contrer des réseaux toujours plus sophistiqués.


Rencontre avec le général Nilton Reynaldo Santos Villalta, directeur antidrogue de la Police Nationale du Pérou (PNP).

© Carla Mendoza Leon
© Carla Mendoza Leon

En première ligne de la lutte contre le trafic de drogue


« Le trafic de drogue est considéré comme une menace mondiale en raison de la capacité économique des organisations criminelles à maintenir la dynamique et la fluidité de cette activité illicite, ainsi que de sa complexité due aux délits connexes auxquels elle est liée » explique Nilton Reynaldo Santos Villalta. Les trafiquants de drogue trouvent des relais dans le trafic d’armes, les assassinats, les crimes environnementaux, la corruption entre autres. De fait, la Police péruvienne travaille de façon transversale pour tenter de mettre à mal les activités de ces organisations criminelles. Elle coopère étroitement avec l’armée, en particulier dans les zones sous état d’urgence, pour planifier et exécuter ses opérations. « L’action de l’Armée se concentre principalement dans la zone connue sous le nom de VRAEM (Vallée des Rivières Apurímac, Ene y Mantaro), où subsistent encore des restes du groupe terroriste Sentier lumineux et d'organisation liées au trafic illicite de drogue. La DIRANDRO (Direction antidrogue) fournit un appui lors des opérations d’éradication des cultures de coca, participe à la destruction de pistes d’atterrissage clandestines (lorsqu’elle est sollicitée), et prend part à des opérations héliportées et d’interdiction du trafic illicite de drogue, qui permettent la destruction de laboratoires de production, la saisie de drogues, entre autres » précise le Général. Sur un autre front, la PNP s’impose comme un acteur central dans la lutte contre le blanchiment d’argent issu du narcotrafic. « La PNP, via ses unités spécialisées, enquête sur les organisations criminelles structurées impliquées dans le blanchiment d’argent. Elle identifie les mouvements financiers des personnes liées au narcotrafic et collabore avec l’UIF-Pérou (Unité d’intelligence financière) pour générer des rapports d’opérations suspectes. Elle partage des informations véridiques et opportunes avec des organismes internationaux comme Interpol, la DEA, entre autres, pour appuyer les enquêtes dans d’autres pays. Grâce à son expertise policière, la PNP contribue aux opérations d’infiltration et d’interdiction des entreprises de façade, souvent utilisées pour blanchir l’argent, ce qui a un impact négatif sur la stabilité économique du pays » partage le Général Santos Villalta.


Une menace en mutation


La PNP se voit confrontée à l’émergence de nouvelles menaces. Les narcotrafiquants utilisent des techniques numériques de plus en plus sophistiquées. « La DIRANDRO, dans le cadre de ses enquêtes, a commencé à intégrer le traçage des crypto-monnaies servant à financer les activités liées au trafic illicite de drogue. Elle forme ses agents à l’utilisation d’outils technologiques de traçage des crypto-monnaies, en collaboration avec l’UIF-Pérou et la Superintendance des banques et assurances (SBS) » et d’ajouter : « Le dark web est utilisé comme marché clandestin pour la vente de drogues via des forums privés et des chats chiffrés, avec paiement en crypto monnaies ». Depuis 2023, la DIRANDO peut s’appuyer sur des “agents virtuels”, lui permettant de mener des enquêtes anonymes, d’infiltrer les forums du dark web pour identifier les vendeurs péruviens ou les réseaux internationaux. « Les organisations criminelles ne se contentent plus d’utiliser les applications connues comme Telegram ou WhatsApp pour coordonner leurs activités criminelles. Lors des interventions policières, il a été constaté qu’elles utilisent également des messageries chiffrées plus confidentielles, comme ZANGI, ARMADILLO CHAT, etc. Ces applications fonctionnent comme les autres, mais offrent un niveau de sécurité plus élevé, avec des mots de passe connus uniquement de l’émetteur et du destinataire » explique le Général Santos Villalta.


Des coopérations internationales


Parce que le narcotrafic ne connaît pas de frontières, le Pérou a multiplié les coopérations bilatérales, régionales et internationales. « Interpol facilite l’accès à des bases de données mondiales sur les personnes, les véhicules, les documents falsifiés, l’ADN, etc. Le Pérou émet et répond à des notices rouges pour capturer des fugitifs recherchés pour narcotrafic, blanchiment d’argent, traite des êtres humains, terrorisme, etc. Le pays participe également à des opérations mondiales contre les réseaux de trafic de drogue, d’armes, de migration irrégulière, telles que l’opération Lionfish qui visait à lutter contre le trafic de drogue dans les ports et les routes maritimes » dévoile le Général Santos Villalta. Avec Europol, les coopérations sont moins importantes mais le Pérou participe à des échanges d'informations concernant les routes de trafic, les organisations criminelles, et le blanchiment d’argent et coopèrent à des initiatives comme EMPACT notamment sur le trafic de drogue. Au niveau régional, le Pérou participe à l’initiative RAMPOL, une réunion de hauts commandements policiers réunissant les directions spécialisées de la PNP dans une approche bilatérale exclusivement policière sur les délits transfrontaliers, permettant l’échange d’informations et la réalisation d’opérations binationales, selon la législation de chaque pays. Dirigée par la Direction du contrôle des drogues du ministère des Affaires étrangères, rassemblant les institutions engagées dans la lutte contre le trafic illicite de drogues selon une approche bilatérale et multidisciplinaire, la COMIXTA est également un lieu d’échange régional. Ce cercle réunit l’Équateur, le Paraguay, l’Argentine, le Chili, la Bolivie, la Colombie, l’Uruguay, le Brésil et le Pérou. AMERIPOL permet aussi la coopération policière entre les services d’Amérique latine, des Caraïbes mais aussi d’autres États d’Europe notamment. En mars dernier, les Douanes espagnoles en coopération avec la DEA et la PNP ont saisi plus d’une tonne de cocaïne conditionnée dans des paquets dissimulés dans des ballots de carton recyclé, dans 14 conteneurs différents dans le port de Tarragone en Espagne. La cargaison était partie du Pérou. Le réseau a pu être démantelé grâce à des informations obtenues lors d’une autre enquête en novembre dernier.

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