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Une diplomate française au Comité politique et de sécurité de l’Union européenne

Passée par l’Asie et le Quai d’Orsay avant de rejoindre Bruxelles et la Représentation permanente au Comité politique et de sécurité de l’Union européenne, Mathilde Félix-Paganon, ambassadrice, revient sur un parcours exigeant et une vie faite d’engagement au service de la diplomatie.


Propos recueillis par Mélanie BENARD-CROZAT

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Une vocation forgée entre Paris et Pékin


Fille de diplomates, mais enracinée à Paris, elle a grandi dans une double culture : celle de la stabilité française mêlée aux exigences de la vie des ambassades à travers le monde. Rien n’était pour autant écrit : « Ce n’est pas un métier qu’on choisit à la légère », confie-t-elle. Diplômée de Sciences Po, sinisante, passée par l’université de Nankin, l’une des institutions d'enseignement supérieur les plus vieilles du monde et par le bureau économique de Taipei, elle entre au Quai d’Orsay par concours, avec une spécialisation sur l’Asie.

En poste au Vietnam, elle s’initie aux réalités d’une diplomatie de terrain, entre presse, politique intérieure et veille stratégique. Une expérience formatrice. Mais c’est à Paris, à la direction des affaires politiques européennes, qu’elle découvre un nouveau théâtre d’opérations : l’Union européenne. « La politique étrangère européenne, c’est un maillage complexe où il faut jouer collectif pour faire entendre sa voix. » souligne t-elle.


De l’Asie au multilatéralisme européen


A la tête du groupe de travail du Conseil sur l’Asie-Océanie, elle fait valoir une vision lucide : celle d’un continent stratégique où s’affrontent puissances civiles et militaires. Chine, Inde, ASEAN : autant d’interlocuteurs avec lesquels l’Europe doit construire une parole cohérente. « L’Asie est devenue centrale. La Chine et l’Inde à elles seules représentent plus d’un tiers de l’humanité. Nous devons cesser d’être naïfs. »

Nommée à la Représentation permanente de la France auprès de l’UE en 2023, elle plonge dans le cœur du réacteur bruxellois. Négociations à 27, compromis subtils, diplomatie d’influence : elle y affine son sens de la stratégie. « C’était la synthèse parfaite : suivre les grands équilibres du monde tout en défendant une ligne française, au sein d’un projet commun. » rappelle l’Ambassadrice.


COPS : au pilotage des crises européennes


Aujourd’hui, la diplomate représente la France au Comité politique et de sécurité de l’Union européenne (COPS), l’une des instances les plus sensibles de la politique étrangère européenne. Créé par le Traité de l’Union, le COPS suit les crises internationales, élabore les positions européennes, et supervise les missions civiles et militaires de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC).

Ukraine, Proche-Orient, Afrique : les dossiers s’enchaînent. Le COPS active ou oriente l’ensemble des outils européens de réponse aux crises, de l’assistance militaire à la diplomatie de l’urgence, en passant par la Facilité européenne pour la paix – un instrument clé qui permet de soutenir des partenaires stratégiques avec une grande réactivité. « Notre rôle est à la fois politique, opérationnel et stratégique. Il faut créer l’unité, décider vite, et parler fort. »


Défendre une voix française dans le concert européen


Concilier l’intérêt national avec l’intérêt européen : voilà l’équation qu’elle s’attache à résoudre au quotidien. La tâche n’est pas toujours aisée. Chaque État membre vient avec ses priorités – sécurité en Méditerranée, présence en Afrique, soutien à l’Ukraine, réassurance à l’Est – et l’unité européenne se construit souvent au prix d’un travail d’orfèvre. « Je veille à défendre nos priorités, mais aussi à ce qu’elles trouvent leur place dans l’agenda européen. L’un ne va pas sans l’autre. » souligne l’ambassadrice.

L’expérience de l’agression russe a été un électrochoc : accélération de la coopération militaire, prise de conscience sur la dépendance stratégique, relance de l’industrie de défense. « On sort d’une forme de naïveté. L’autonomie stratégique devient une nécessité. »


L’Europe puissance, mais pas seule


Pour elle, l’objectif est clair : faire de l’Union une puissance d’équilibre, capable de défendre ses intérêts sans s’aligner mécaniquement sur d’autres. Cela implique de renforcer les partenariats dans l’Indopacifique, de parler d’une seule voix avec la Chine, et de peser sur les règles du jeu international. Mais cela passe aussi par une vigilance accrue dans le voisinage immédiat : Moldavie, Géorgie, Balkans. « Nous devons renforcer nos marges de manœuvre. Cela passe par des choix industriels, des arbitrages politiques et une diplomatie exigeante. »


Une parole forte pour inspirer les jeunes femmes


Lucide sur les contraintes d’une vie diplomatique – mobilité, éloignement, renoncements – elle n’en minimise pas la richesse. À celles qui hésitent, elle adresse un message sans détour : « N’hésitez pas. La défense n’est pas un monde réservé aux hommes. Ce qui compte, c’est la rigueur, la curiosité, l’endurance. Et surtout, cette conviction profonde que ce que vous faites a du sens. »

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